LE RETOUR DE CONGE MATERNITE, Mailys "Tu te remets beaucoup en question, tu te demandes si t’es encore compétente sur certaines choses"
20 juillet 2023
Peux tu expliquer en quelques mots quel est ton job aujourd’hui ?
Je suis directrice clientèle dans une agence de communication et mon rôle est d’accompagner les entreprises dans la mise en place et le déploiement de leur stratégie de communication et de marketing, ou plus particulièrement à déployer une action à proprement dite qui fait partie de leur plan de communication, ça peut être un évènement, un lancement de produit…
A quel moment de ta carrière tu as eu ton enfant ?
J’ai eu mon enfant il y a un an maintenant, et ça faisait 6 ans que je travaillais dans la même société.
C’était ton 1er emploi ?
Oui, dans lequel j’avais fortement évolué. J’ai commencé assistante communication pour finir responsable communication évènementiel.
Lorsque tu as su que tu étais enceinte, est-ce toi qui a préparé ton absence ou c’est ton entreprise qui a tout organisé ?
C’était un peu compliqué, j’ai beaucoup préparé mon absence parce que je devais me faire remplacer, et puis on m’a annoncé que je ne serai pas remplacée.
Donc j’ai débuté mon congé maternité en ayant encore le nez dans mes dossiers puisque je n’étais pas remplacée.
Pas remplacée, donc comment était organisé ou répartie ta charge de travail ?
J’avais une équipe de 4 personnes, donc on avait réparti la partie très opérationnelle sur l’ensemble de l’équipe et la partie plus stratégique sur la direction, mais avec moi qui pilotait tout ça à distance avant d’accoucher.
Quitter ton job pendant quelques mois t’a quand même inquiété ?
Complètement, je ne suis pas partie en congé maternité sereine. C’était très stressant.
Ca me permettait d’avoir la main sur les projets certes, mais j’ai évolué dans cette société donc j’étais dans ma zone de confort, je connaissais tout.
Il y avait quand même un côté où je voulais garder la main dessus, donc quelque part je me suis dit « Je garde la main et quand je reviendrai, je ne serai pas totalement perdue.». Sur le papier, ça parait simple, mais en pratique c’est compliqué et tu pars en congé maternité pas sereine du tout.
Donc tu n’as pas du tout déconnecté ?
J’ai pas du tout déconnecté. En tout cas pas avant l’accouchement.
Après l’accouchement on est obligé de déconnecter parce qu’on prend un tsunami. Mais en tout cas avant l’accouchement non, je n’ai pas du tout déconnecté.
Pour toi, ton congé maternité ce n’était pas un break, pas une rupture, c’était une continuité ? Comment tu le qualifies ?
Avec le recul, je me dis que c’était très compliqué.
C’était pas une rupture, pas un break, pas un arrêt, c’était une continuité avec un peu plus de flexibilité parce que je pouvais quand même me permettre de ne pas répondre dans l’immédiat, de ne pas répondre au téléphone tout de suite, de répondre aux emails un jour ou deux jours après, pas aussi réactive que lorsque tu es réellement dans le poste. Donc c’est vrai que c’était une continuité mais avec un max de flexibilité.
Et ton entreprise a bien pris le fait que tu allais t’absenter ?
J’avais de très bonnes relations avec ma hiérarchie. Ca faisait 12 ans qu’on travaillait ensemble, donc ils étaient très contents pour moi mais, c’est une petite boite avec peu de process, donc il y avait plein de choses dans ma tête ! Ce qui a fait peur, c’est d’entendre « C’est super que tu sois enceinte, tu vas avoir un congé maternité, c’est normal, par contre ça va être compliqué pour nous sans toi.».
Et quand on te dit ça, il y a un côté très positif, mon poste a du sens, j’ai ma place dans l’entreprise et il y a un côté où il y a un peu une pression et où on se dit « Ah oui effectivement, ça, personne ne sait faire. Ça personne ne sait comment je fais. Ça personne n’a les codes … » et donc c’est … Stressant.
Donc envisager un congé parental ce n’était pas possible ?
Pas du tout ! Je n’y ai même pas pensé !
Mais après, il y avait ce côté où je n’étais pas remplacée. Il y avait cette petite pression mignonne au-dessus de moi. Et en même temps ma valeur travail était assez élevée avant d’avoir un enfant.
Pour moi je me disais «Ok je vais avoir mon congé maternité et comme tout le monde après mon congé maternité, je vais reprendre mon travail, je vais reprendre mon poste , je vais reprendre mes activités et je vais être à 200%» dans l’idéal.
Et comment ça s’est passé dans les faits ?
(rires) Et ben dans les faits c’est pas du tout ça !
J’étais quand même très contente de retourner au travail, de retrouver mon poste mes missions, de retrouver mon environnement de travail, mes collègues etc…Après quand tu arrives, comme j’étais pas remplacée, tu as quand même tous les dossiers, tous les emails.
Même si tu as fait un max pour gérer, tu as quand même des choses qui te retombent dessus.
T’es lancée dedans et puis tu te rends compte que tu es vite sous l’eau parce qu’au final, le retour de congé maternité ce n’est pas juste le moment où tu reprends le travail en fait, c’est une vraie transition !
Faut renouer avec toi-même, reprendre tes habitudes, ta gestion du temps, toi quoi ! Mais en fait tu es vite submergée, donc le retour était quand même sympa même si c’est quand même très complexe.
Je pense que ça mériterait un peu plus d’accompagnement.
D’accompagnement par l’entreprise ? Ou plus de temps pour toi ?
Un peu des deux mais plutôt pour l’entreprise, car quand tu reviens, l’entreprise se dit « Ben elle a eu ses 4 mois en tout, c’est bon, elle sait qu’elle revient, elle est là à temps plein », surtout si tu ne demandes pas un 80% ou un congé parental.
Que ce soit une femme ou non à la direction , ils n’ont pas forcément conscience de tout ce qu’il y a à coté et de l’effet que ça fait de revenir du jour au lendemain. Donc je pense que ça serait bien d’avoir un petit accompagnement.
Comment et avec quelles solutions, je n’ai pas d’idée là tout de suite, mais je pense que ça devrait être pris en compte. Parce que c’est très difficile.
La remise dans le bain s’est fait progressivement quelque part…
Oui c’est ça. Au bout d’une semaine de reprise, je me suis dit « Wow, il va falloir que toi tu t’organises », mais le travail est venu de moi.
Je me suis dit « Il va falloir que tu lèves le pied là-dessus, ce dossier là prendra un peu plus de temps mais tu l’expliqueras.». Et donc tu te réorganises, pour t’en sortir, mais aussi pour te préserver parce que tu as une fatigue qui est là.
Et puis tu as une deuxième vie quand tu sors du travail ! Qui n’existait pas avant !
Est-ce que tu penses que t’arrêter quelques mois, ça a freiné ton développement professionnel ?
Oui clairement !… Pas que pour l’entreprise mais de mon côté aussi, car avant d’être maman, j’avais une valeur travail qui était à un niveau très élevé.
Le travail c’était ma vie, j’étais très investie, j’adorais ce que je faisais, je ne rechignais pas sur les heures, je pouvais travailler le weekend car je voulais avancer sur un dossier ou autre.
Quand tu es maman et que tu travailles, tu te rends vite compte que c’est compliqué de travailler autant ou en tout cas de dédier autant de temps à ton travail. T’arrives à 8h30 et puis à 17h30, 18h, il faut que tu partes, parce que tu vas chercher ton enfant chez la nounou et que ça se stoppe là.
Au début je me disais c’est pas grave, je pars à 18h, je vais chercher le petit, une fois qu’il est couché, je reprends le dossier. Une fois qu’il était couché je ne pouvais plus reprendre le dossier (Rires !) … J’avais un peu vendu du rêve.
Donc c’est vrai que ça ralentit, et tu fais un travail sur toi , tu te poses des questions et tu te rends compte, encore une fois pour ma part, ben que ta valeur travail elle a un tout petit peu diminué et puis que ta valeur famille elle a pris un peu le dessus. Mais pour moi, je pars du principe que c’est une période.
Pour ma carrière, je sais qu’à un moment donné ça va reprendre.
C’est juste une question de temps finalement !
Oui c’est une question de temps, tout à fait. Faut juste accepter, mais ce n’est pas évident. Je sais que j’ai fait un gros travail pour moi et ça a duré pas mal de temps.
Aujourd’hui avec le recul, j’arrive à en parler comme ça mais c’est vrai qu’à un moment donné, tu te poses énormément de questions, tu te remets beaucoup en question, tu te demandes si t’es encore compétente sur certaines choses. Ce n’est pas évident mais… C’est juste une période !! (rires)
Si tu devais repasser par le chemin que tu es passée, avec l’arrivée de ton enfant, est-ce que tu ferais les choses de la même manière ?
Pas du tout ! Je pense que j’exigerais d’être remplacée, ou en tout cas je ferais tout pour faire comprendre que c’est très important d’être remplacée.
Peu importe la fonction ou le poste que tu as, car pour certains postes c’est peut-être plus compliqué que d’autres, mais c’est très important d’être remplacée, de pouvoir partir en congé maternité sereine.
C’est quand même un grand moment, et je pense qu’il ne faut pas le négliger. Moi clairement je l’ai négligé, et aujourd’hui je le regrette un peu.
Merci Mailys d’avoir partagé ton expérience !
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