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Audrey - JE VIS DE MA PASSION "Même si j’ai souvent navigué sur un fil, ça correspond à ma personnalité. Je n’ai aucun regret"

Interviews

24 août 2023

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La première question, pour donner ton cadre, peux tu dire en quelques mots, quel est ton activité, ton métier ?

Je suis danseuse chorégraphe depuis 20 ans. Danseuse sur la fin, ce sont mes dernières années et je passe de plus en plus à l’arrière avec la gestion d’équipe, organisation… je sors tout doucement du métier de la danse tout en restant dans le spectacle mais sous une autre forme !

Ça fait 20 ans ! comment tu es tombé dans ce métier ?

J’ai fait un spectacle de danse quand j’étais dans une école de danse, et on a fait une petite intervention sur la place de Toulon, c’était pour une journée anti-tabac (rires). Un directeur de troupe qui est passé et venu de trouver en me demandant si je voulais en faire mon métier et j’ai dit « Oui ! », et j’ai commencé à faire mes premiers cachets, j’avais 18 ans.

C’était donc un peu par hasard ?

Ce n’était pas hasard mais avec du recul, c’est vraiment exactement ce qu’il me fallait, et tout ce que j’ai fait dans ma vie, ça m’a servi, en gagnant en compétences. Comme si tout avait été parfaitement écrit. Tout ce que j’ai vu dans ma vie ça m’a servi pour avancer dans ce métier et faire des choses différentes, y compris les études.

Est-ce qu’on peut dire que c’est ta passion ?

OUI et c’est ma passion car je suis une créative, ça me passionne autant de créer une chorégraphie que de coudre des paillettes et des perles, que d’imaginer des structures métalliques, un décor. Je suis moins dans l’organisation de nature mais finalement ça me plait car il y a un rapport avec l’humain. Comme j’ai été pendant longtemps à la place des équipes, je sais comment et de quoi ils ont besoin, j’aime que tout soit bien organisé, et un peu les materner aussi (rires) être au petit soin j’aime beaucoup ça. J’aime aussi que tout se déroule au mieux, avec le spectacle, ça me plait car c’est toujours dans le cadre du spectacle, autour de ma passion. Je suis contente d’élargir mes horizons même si j’aime toujours danser.

Qu’est ce qui a déclenché cette envie de faire autre chose que de la danse ?

Au départ, j’ai commencé intermittente et j’ai vraiment eu très peur sur scène en me disant : ce n’est pas pour moi, je suis trop timide. J’ai passé 1 an sans danser et ça m’est revenu comme une boule au ventre et je me suis dit « je vais dépasser toutes mes peurs car c’est vraiment ça que je veux faire ». La j’y vais à fond. J’ai revu les choses et j’ai commencé par une troupe avec moins de pression car j’avais commencé avec une troupe plus grosse, et donc commencer par une petite troupe pour appréhender mes peurs, j’ai fait des stages de présence scénique…

Ensuite, j’ai su tout de suite que ça n’allait pas durer (rires !), et oui je savais que vers la quarantaine, il y a une date de péremption pour danser … mais quelle que soit l’activité, si c’est autour du spectacle tout me plait, la production de spectacle. J’ai commencé assez tôt pour me former, depuis 10 ans, je dois me reconvertir, je le sais et je m’y prépare. La danse pure c’est éphémère. J’ai dû faire une vingtaine de formations.

Au tout début, ton challenge était la peur de la scène mais y’a-t-il eu d’autres challenges de se dire : Je vis de ce que j’aime

Ça n’a pas été simple par rapport aux regards des autres. Quand on te demande « qu’est ce que tu fais dans la vie ? », et puis après « non mais à côté de ça, c’est quoi ton vrai métier ? » (rires), surtout d’avoir une crédibilité, c’était mon challenge. J’ai donc fait plein de formations autour du spectacle pour avoir un diplôme. J’était un bon élément, sérieuse et polyvalente mais je n’ai jamais eu l’ambition de partir loin et faire de grandes choses, mais ce qui me plait est d’être dans une troupe familiale, sympa, de partir dans des petits bleds de France, être accueilli par un comité des fêtes d’un petit village, de rencontrer des gens de partout qui veulent faire la fête, contents de voir un spectacle. Ça m’allait très bien.
Je voulais juste une crédibilité, être une professionnelle, même si c’est le spectacle, on peut avoir des diplômes.

Comment tu te sens tous les jours quand tu vas travailler ?

Heu… dispersée (rires !!) car j’ai plein de casquettes différentes ! j’ai de plus en plus de responsabilités, d’organisation, d’administratif. Continuer à être sur scène et à l’arrière c’est compliqué. Mais c’est très riche et je ne m’ennuie pas ! un coup je fais une affiche de spectacle, un coup je répare un costume, ou je booke des danseurs ou chanteurs sur des dates… c’est très diversifié et ça va avec mon esprit créatif, un peu foufou et dispersé ! (rires !!)

Est-ce qu’il y a des contraintes à vivre de sa passion ?

Le plus gros des dates c’est l’été. Alors moi je ne suis jamais trop partie en vacances, mais maintenant que je suis avec quelqu’un qui aime partir en vacances en été, il faut que je m’organise un peu plus. Avant je n’avais pas de vie et je m’en fichais car c’est ma passion. Travail le 14 juillet, le 31 décembre, peu importe le jour la nuit, maintenant je regarde un peu plus. Mais je peux déléguer un peu plus et je m’autorise de prendre du temps pour moi davantage. Toute la période où j’étais que danseuse, j’ai laissé ma vie personnelle de côté beaucoup, car je vivais que des belles choses. Mais je n’avais pas trop de vie personnelle non plus (rires !!) alors je n’en ai pas souffert.

Je n’ai pas eu de contraintes car je n’ai pas eu d’enfants. Danseuse on t’appelle « est ce que tu es dispo tel jour, demain il y a une date-là, ou une répétition, tu peux venir ? ». J’ai beaucoup de copines qui ont galéré avec des enfants en bas âge, ont dû refuser des dates, aussi pour les vacances scolaires.

Si tu devais refaire ton histoire, est ce que tu changerais quelque chose ?

Je commencerai plus tôt ! tout ce cheminement de départ où j’ai hésité, avoir attendu un an où je me suis dit « ce n’est pas fait pour moi » pour me revenir avec cette boule au ventre « c’est ça qu’il faut que je fasse ! ». Je ne savais pas que c’était ma vocation !

Qu’est ce qui t’a fait hésiter au début ?

Je suis rentrée dans une troupe qui était très exigeante, à 18 ans j’étais encore un bébé. Le directeur de la compagnie se mettait en face pendant les répétitions et me criait dessus « souris ! fais ci ! fais ça ! », beaucoup de jugement, de rabaissement et je n’étais pas armée du tout surtout avec d’autres danseuses très compétitives, dans le jugement… tout ce que je n’aime pas. Je ne me suis pas sentie à l’aise et donc je me suis dit « ce n’est pas fait pour moi ». Alors après j’ai fait des troupes avec cet esprit familial, c’est devenu mes critères avec une bonne ambiance et pas de compétition, ou alors de la compétition positive, tous envie de faire de notre mieux pour partager un spectacle génial. Pas cet environnement où je te fais un croche patte pour passer devant !

Qu’est ce que tu dirais aux gens qui veulent se lancer dans ce métier ?

Je pense qu’il faut étudier la rentabilité du projet. Moi, le statut intermittent m’a permis de vivre, sans ce n’est pas rentable. Il y a tellement de travail pour une date, et on ne peut pas se payer en 1 date toute la création. Tout dépend la propension à prendre des risques, moi je me suis dit « tant pis la sécurité, je veux ce statut », mais j’ai pris des risques. Chaque année c’est en plus remis en question car si on n’a pas les 43 cachets, on sort du système. Ce n’est pas une vie calme et sécurisante.
Donc les personnes qui ont besoin de sécurité, ça ne va pas.

Avant je ne comptais pas mes heures, je faisais ce que j’aime donc ce n’est pas grave. Aujourd’hui je pense plus à la rentabilité, d’en vivre vraiment. J’essaie d’augmenter mes conditions.

Donc la rentabilité et la capacité de prise de risque, d’avoir la vie sur un fil. Mais en général les métiers passion il y a toujours un petit risque au départ.

Ce qui m’a beaucoup aidé, ce sont les formations aussi, autour du spectacle. Quand on veut monter sa structure, il y a vraiment beaucoup de formations très spécifiques et ne pas hésiter à monter en compétences dans son domaine.

Mais je ne regrette rien, même si j’ai souvent navigué sur un fil, ça correspond à ma personnalité. Je n’ai aucun regret.

Merci beaucoup Audrey!

Cathy
Co-Fondatrice d'Uniios